Résumé: Le premier roman graphique de Will McPhail dessinateur du New Yorker est un récit vivifiant et émouvant centré sur la personne de Nick, un jeune homme renfermé qui va lentement s'éveiller au monde.
Nick est un jeune citadin, illustrateur, dont la vie oscille entre ses projets personnels et un travail alimentaire au sein d'une agence de publicité. Il prend la pose dans des cafés et des bars à bière artisanale, conscient que quelque chose manque à sa vie, et que ce quelque chose ce sont les autres et leurs mondes intimes. Bien plus qu'un critique ou un récit autobiographique simpliste de la vie d'un millénial parmi les millénials, cette tranche de la vie de Nick s'attarde sur le fossé qui nous sépare tous les uns des autres. Qu'il s'agisse du barista au coin de sa rue, des membres de sa famille ou de Wren, une oncologue dont le chemin croisera douloureusement le sien, Nick ne peut s'empêcher de penser qu'il existe un monde caché d'interaction humaine hors de sa portée. Nick s'ouvrira finalement aux autres au moment le plus tragique de sa jeune vie.
Illustré à la fois en noir et blanc et en couleurs dans le style immédiatement reconnaissable de McPhail, " Au-dedans " est poignant autant que frais et hilarant. Ce dessinateur phare du New Yorker transmute ici le roman graphique avec une compassion déchirante, écho incarné de nos sociétés où flotte le spectre del'isolement.
N
ick s'ennuie. Enfin, lorsqu'il n'aide pas sa mère à retaper son appartement, il s'ennuie. Alors, entre deux contrats, il traîne dans les rues de sa ville en écumant les coffee shop et autres bars branchés en essayant de se la jouer « artiste torturé », un peu détaché. Mais au fond de lui, Nick sait très bien ce qui lui manque. Enfin, pas sûr...
Will McPhail, connu pour ses travaux d'illustration au The New Yorker depuis près de dix ans, a sauté le pas du neuvième art avec In, paru de l'autre côté de la Manche en 2021 chez Sceptre. En ce début 2024, ce sont les éditions 404 (via leur label Graphic) qui l'éditent dans nos contrées. Et après le succès du Dernier jour de Howard Phillips Lovecraft, la maison d'édition a de nouveau eu le nez creux ! Car ce Au-dedans est une jolie réussite.
Pourtant, à première vue, l'histoire concoctée par l'auteur britannique n'a rien pour faire lever les foules. Graphiquement tout d'abord, les premières pages laissent dubitatif ; un noir et blanc à peine rehaussé de dégradés de gris, où les yeux souvent exorbités des personnages semblent être leur unique vecteur d'émotions. La trame ensuite : à l'image de ce trentenaire discret, voire transparent, qui déambule de bar en bar sans but précis, elle ne semble mener nulle part. Et puis... La magie opère, tout prend forme et les deux soixante-neuf planches se dévorent.
Bien qu'il s'agisse de son premier projet et même s'il confesse avoir tout fait à l'instinct, Will McPhail montre un vrai savoir-faire dans la mise en scène. Son découpage alterne vignette unique et gaufrier douze cases en passant par des séquences qui s'affranchissent des codes classiques de la bande dessinée avec la même fluidité. Mieux, son intrigue, a priori si futile, s'avère rapidement prenante tant elle peut concerner tout un chacun ; Nick n'arrive pas à lier de vrais rapports avec les gens qui l'entourent et cela le questionne. Dans une société où tout le monde apparaît connecté à des centaines voire des milliers de personnes, où les interactions sont quotidiennes et innombrables, pourquoi est-il si difficile de dévoiler ses pensées ? Comment éviter les banalités et les conversations superflues ? Par quel moyen parvenir à tenir une discussion sincère et avoir un réel échange même bref ?
Balloté entre sa mère, sa voisine, sa sœur ou Wren, sa nouvelle sexfriend, Nick va, au gré de ses rencontres, réussir à dépasser ce vernis si confortable qui habille les relations. Il va enfin parvenir à échanger sans faux-semblant et, l'espace de quelques instants, créer cette connexion tant recherchée. Cela lui fera l'effet d'une révélation. D'ailleurs, les lecteurs ne pourront échapper à la force de cette sensation car l'artiste choisit une mise en page explicite dont l'effet est garanti. Nick, désormais libéré du rôle qu'il s'obligeait à jouer, souhaite revivre ce moment encore et encore... Mais tout n'est pas aussi simple lorsque, pendant des années, la superficialité a dicté l'essentiel de ses interactions sociales. Avec humour, souvent de l'autodérision, mais aussi beaucoup de pudeur, l'auteur emmène son public sur les pas de son double et de la vague d'émotions à laquelle il a enfin ouvert les portes et qui l'amènera bien plus loin qu'il ne le pensait.
Envoûtant, Au-dedans est un récit à la fois intimiste et universel. Une réflexion sur la relation aux autres et donc à soi, dans un monde où les rapports sont souvent vides et superficiels. Avec cet album drôle, plein de poésie et de finesse, Will McPhail s'offre une entrée remarquée dans la bande dessinée.
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Les avis
steftheone
Le 31/08/2025 à 11:21:26
Cet imposant album se démarque tout d'abord par sa très belle édition avec une couverture imitant le papier cartonnée très sobre et le dos et la tranche imprimés de décors végétaux rappelant la jungle. L'ensemble mat est très agréable au toucher et l'illustration de couverture est une habile métaphore sur l'introspection que va réaliser le héros Nick tout au long de son parcours. Le côté pile/face du recto et du verso de l'album est également plutôt ingénieux.
Malgré ses 272 pages, cet album se lit relativement vite. En effet, les dialogues sont assez rares et l'auteur, Will McPhail, fait souvent le choix d'une mise en page très aérée avec parfois 3 à 4 cases par page. La majeure partie de l'ouvrage est en noir et blanc permettant au lecteur de se concentrer sur le trait de l'auteur. Les rares passages en couleur étant des sortes de métaphores sur les ressentis intérieurs du héros. Cette mise en page très originale et soignée fait vraiment sortir cet ouvrage des productions habituelles bien que je ne sois pas forcément très fan du trait de l'auteur.
Côté scénario, malheureusement, cela à moins bien fonctionné avec moi. Il est vrai que je me suis plutôt ennuyé durant les deux premiers tiers de l'ouvrage, ne ressentant au final que peu d'empathie pour ce célibataire trentenaire citadin, se posant des questions métaphysiques sur ses relations avec autrui. J'ai été plus touché à partir de la page 200 quand l'auteur traite du sujet de la maladie et de la perte d'un proche. Peut-être aussi car cela fait plus écho à mon vécu personnel. Mais cela me parait trop tardif et trop peu pour pouvoir mettre la note de 4/5.
Un ouvrage dont je conseille tout de même la lecture, ne serait-ce que pour l'originalité et le côté très personnel de l'histoire et de la mise en page.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 6/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 7/10
NOTE GLOBALE : 13/20
Bourbix
Le 10/12/2024 à 09:12:29
A la lecture on sent bien une certaine intention narrative, mais j'ai trouvé l'ensemble trop cryptique pour réellement apprécier. C'est frustrant car cela paraissait intéressant.
tv69
Le 06/06/2024 à 18:03:47
Comme le héros, je me suis ennuyé; mais contrairement à lui, l'ennui ne m'a pas quitté jusqu'à la conclusion de l'album...Je savais que ce n'était pas par une originalité graphique que cet album pouvait m'étonner (et les quelques planches en couleur n'apportent pas grand chose) ; j'attendais donc beaucoup du scénario, et au fil de la lecture, à chaque fois que je tournais une page je me disais qu’il allait se passer quelque chose, que çà allait décoller...Et bien non : je suis resté sur le plancher des vaches.