Info édition : Erreur sur le nom de l'auteur Georges Bensoussan sur le visuel de couverture. La couverture a depuis été corrigée chez l'éditeur
Résumé: C'est donc bien avant 1914 que ce conflit a pris forme à la fois dans le discours des élites arabes, de la communauté juive séfarade et des sionistes d'Europe orientale. C'est cette genèse complexe et séculaire qui est explorée dans cet ouvrage, dans une démarche aussi objective que possible, en collaboration avec l'historien et spécialiste du Moyen-Orient Georges Bensoussan.
«
Bientôt, ce seront les nôtres qui cultiveront cette terre qui nous revient de droit. »
Quand l’homme et sa fiancée écoutent le bulletin de nouvelles, ils ont l’impression que les frictions au Proche-Orient durent depuis la nuit des temps. Ils n’ont pas tout à fait tort. Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, les Juifs rêvent à la terre promise par Dieu au prophète Abraham. Ils entreprennent alors d’acheter des parcelles pour s’installer dans la patrie de leurs ancêtres. Au fil des décennies, ils sont toujours plus nombreux et le déséquilibre crée les premières mésententes dans un coin du monde où, jusque-là, les religions cohabitaient plutôt harmonieusement. L’occupant anglo-saxon joue tant bien que mal les médiateurs, sans perdre de vue ses intérêts. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’imposition d’un État israélien met définitivement le feu aux poudres.
Au terme de la lecture, le lecteur s’interroge sur le bien-fondé de demandes reposant sur un argumentaire mystique. Certes, le récit évoque les exactions subies par les israélites, notamment les pogroms en URSS, mais au final, ces derniers sont dépeints comme l’agresseur.
Danièle Masse et Georges Bensoussan remportent leur pari de vulgariser le différend. Le titre de l’album Les origines du conflit israélo-palestinien ne ment pas ; comme promis, les journalistes offrent au bédéphile une compréhension générale des enjeux.
Le reportage couvre huit décennies de tensions géopolitiques particulièrement complexes, les intervenants se multiplient et l’information se montre abondante. Le néophyte gagnera à ne pas chercher à comprendre chaque détail et à se contenter d’une appréciation globale de la question. Les personnages sont bavards et les dialogues, chargés de renseignements, ressemblent par moments à des cartouches narratifs.
Bien qu'ardue, la lecture demeure intéressante. En fait, il ne manque qu’un réel fil conducteur renforçant le lien entre les différents événements, pour ainsi mieux guider le lecteur.
Yana Adamovic supporte le projet avec un dessin réaliste et efficace. Il va droit au but avec des décors souvent restreints et les acteurs de second plan demeurent réduits à leur plus simple expression. Les protagonistes apparaissent du reste si nombreux qu’il est quelquefois difficile de se souvenir avec précision de qui est qui.
Un ouvrage très bien documenté, pour mesurer la profondeur des racines du bourbier moyen-oriental. Soixante-quinze ans après la création d’Israël, la discorde demeure malheureusement toujours aussi vive.
La preview
Les avis
Shaddam4
Le 03/12/2025 à 10:41:33
Attention, ouvrage inflammable… Je dois dire que l’ouverture de cette BD documentaire sur les attaques terroristes du 7 octobre 2023 en Israël fait vitre craindre une option orientée, que le nom de Georges Bensoussan (historien spécialiste de l’antisémitisme et auteur du Que sais-je qu’adapte la BD), critiqué pour ses positions depuis le 7 octobre, renforce. Bien heureusement on réalise rapidement que l’ensemble de l’ouvrage vise une perspective scientifique et historique se gardant bien de relever une responsabilité particulière pour au contraire rentrer dans la profonde complexité de la toile inéluctable qui a amené au génocide en cours et à l’abime politique devant lequel se trouve la nation israélienne.
Après Gisèle Halimi et L’espion d’Orient, Danielle Masse reste marquée dans son adaptation par l’envie de détailler une profusion de détails qui compliquent par moment la lecture touffue (l’album s’étire sur plus de cent pages). Pourtant, dispensée de récit fictionnel elle peut avec son acolyte au dessin s’attarder sur des séquences historiques réelles ou inventées destinées à faire comprendre les ressorts de ce drame interminable. Avec un dessin clair et agréable où se multiplient des protagonistes que l’on oublie souvent de définir, les planches utilisent largement des dialogues dans le huis clos des congrès des organisations juives ou des cabinets britanniques pour nous faire comprendre les mécanismes à l’œuvre et certaines tentations de trancher, souvent pour le pire. La déclaration Balfour apparait ainsi comme la première faute majeure de l’Empire qui rompt l’égalité à laquelle il était tenu par le mandat de la SDN pour administrer pacifiquement un territoire convoité par le sionisme juif et défendu par les occupants arabes craignant de se voir remplacer.
La BD est remarquablement équilibrée dans la description des velléités colonialistes des sionistes qui considèrent cette terre comme historiquement leur et l’intransigeance des arabes qui refusent depuis la première Aliya toute négociation vers un partage du territoire. Si la perméabilité de la diplomatie britannique et américaine (poussée par les évangélistes pro sionistes) avec le lobbying sioniste transparait bien, la problématique arabe montre un appât du gain dans la vente de terres aux immigrants juifs comme une crainte de se voir remplacer. Deux légitimités évidentes et deux refus de reculer qui laissent les anglais seuls à décider du destin d’une situation inextricable.
Dans un tel album il n’y a pas de choix que ne soit pas critiquable, chaque partie y verra un oubli honteux ou un renforcement coupable. Il est certain que l’option des auteurs de la BD de débuter sur l’actualité immédiate en arrêtant le récit juste après la guerre de 1948, occultant les décennies de massacres commis par le nouvel Etat, ne s’inscrit pas dans la cohérence avec l’ouvrage notable de Bensoussan et crée un déséquilibre. Pas de bonne solution mais le sujet obligeait à une neutralité absolue. Cela atténue la portée de l’album qui aurait pu s’appuyer sur une bibliographie permettant de prolonger la compréhension. C’est dommage, mais reste une importante tentative de revenir aux faits historiques pour tenter d’apaiser l’hystérie collective qui a pris le monde autour de ce foyer infectieux de la diplomatie planétaire. Une initiative à saluer.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2025/11/24/les-origines-du-conflit-israelo-arabe-1870-1950/