Résumé: Parker, un grand gaillard au physique d'acteur hollywoodien et à la mâchoire carrée, aime varier ses plaisirs : tantôt voleur, tantôt braqueur ou pirate de la route. Cette fois, il a mijoté un coup parfait et a priori sans risque. Le butin ? Un coffre de banque à Cedar Falls, une bourgade tranquille de l'Iowa, et un casse facile avec trois acolytes aguerris. L'affaire va mal tourner au moment du partage du butin quand l'un d'entre eux décide de faire cava-lier seul et de flinguer ses ''associés'' .
Seul Parker s'en sort et sincèrement, ce n'est pas une très bonne nouvelle pour le traître du groupe...
U
n coup simple. Une équipe préparée, un plan travaillé. Parker en est sûr, ce braquage devrait se dérouler sans accroc. Mais si tout se passait comme il l'avait prévu, ce ne serait pas vraiment Parker...
Lorsqu'il s'agit de présenter Doug Headline, la tâche s'annonce ardue. Fils de Jean-Patrick Manchette, il a été, entre autres, animateur radio, réalisateur de documentaires, directeur de collection, éditeur (Zenda), traducteur et, bien sûr, scénariste de BD. À la fois en adaptant, en duo avec Max Cabanes, certains romans de son illustre paternel (La princesse de sang, Fatale, Nada ou Morgue Pleine) ou d'histoires originales (Midi-minuit), c'est dans ce dernier rôle qu'il revient accompagné de Kieran aux crayons. Ensemble, ils font revivre Parker, l'anti-héros de Richard Stark alias Donald E. Westlake, que Darwyn Cooke avait superbement transposé en bande dessinée (chez IDW en VO et Dargaud en France). Parker 1969, le titre de cet album, est également la première sortie d'une nouvelle collection, dédiée aux polars, sous la houlette des éditions Dupuis, (dirigée par Olivier Jalabert et... Doug Headline) : Aire Noire.
Cet opus inaugural est l'adaptation du roman The Sour lemon score (Un petit coup de vinaigre en VF), paru en... 1969. Et pour une entrée en matière, elle est plutôt réussie... à condition de se détacher des premières moutures. Côté scénario, pas de surprise ou presque. Sans rien dévoiler de l'intrigue, Parker doit déployer tout son talent de fin limier pour surmonter les divers rebondissements qui font tout le sel de cette aventure et retomber sur ses pieds. Un polar hard-boiled dans lequel préparation minutieuse, partenaires pas tous fiables, braquage, et bien sûr attente confortablement assis sur un sofa sont évidemment au rendez-vous. Mais, et c'est une nouveauté, le « meilleur dans ce qu'il fait » se montre moins implacable, moins efficace. Cette différence est d'autant plus saillante qu'elle s'accompagne aussi d'un changement dans la narration. Le début de l'album s'articule autour de nombreux récitatifs et, d'une manière plus globale, les pages muettes, si caractéristiques des tomes parus chez Dargaud, sont rares. Ce que cela apporte en terme de rythme voire de ton est atténué par un changement d'ambiance.
Graphiquement, les fans de Darwyn Cooke trouveront le travail de Kieran en-deçà de son modèle, mais le jeune dessinateur (The Golden boy, Sweet Home) s'en sort plutôt bien. Il reprend l'idée de la bichromie et s'évertue à jouer sur les noirs, l'une des marques de fabrique de la mise en dessin du Canadien. À noter que le choix de l'éditeur d'une publication en grand format n'apparaît pas forcément pertinent sous cet angle. Toutefois, si le trait est moins léché que celui de Cooke, il ne manque pas de personnalité en proposant une approche plus brute (rough diraient certains). Même si, pour celles et ceux qui connaissent les premiers albums la comparaison sera en sa défaveur, il s'approprie les codes, reste dans la continuité tout en apportant son énergie et son style.
Mi-hommage, mi-reprise, ce Parker 1969 ravira les nouveaux fans autant qu'il risque de laisser ceux de la première heure de marbre. C'est en tout cas une entrée en matière intéressante, à la fois pour la collection Aire Noire et pour les auteurs qui devraient proposer d'autres aventures du célèbre gangster.
Lire la preview.
La preview
Les avis
BMR
Le 26/03/2025 à 18:17:42
Un polar de Donald E. Westlake adapté par Doug Headline avec les dessins de Kieran, qui inaugure la nouvelle collection Aire Noire chez Dupuis.
Doug Headline (bon sang ne saurait mentir, c'est le fils de JP. Manchette !) n'en est pas à sa première adaptation de polar en bandes dessinées. Il a déjà adapté quelques romans de son père et même d'autres bouquins de Donald Westlake (alias Richard Stark, décédé en 2008) tout comme son confrère Matz.
Avec "Parker 1969 : La proie", il adapte un roman de 1969, The sour lemon score, paru chez nous sous le titre Un petit coup de vinaigre.
C'est l'un des nombreux épisodes qui mettent en scène notre ami Parker, un clone littéraire d'acteurs comme Lee Marvin ou Richard Widmark : élégant, taciturne, froid et menaçant, c'est le parangon du braqueur professionnel (Westlake voulait gommer tout sentiment de son récit).
« [...] - Bon Dieu, essayer de te faire causer, c'est plus difficile que d'arracher une dent à un môme. Parle-moi Parker bon sang ! »
Une histoire de braquage comme souvent avec l'ami Parker !
« [...] Parker ne croyait pas à la chance, bonne ou mauvaise.
Il ne croyait qu'aux types qui connaissaient leur boulot et le faisait bien. »
Parker et ses comparses sont effectivement des pros et ils réussissent brillamment le braquage d'une banque, le plan était parfait.
Hélas, le butin est un peu maigre.
« [...] - Trente-trois mille. Huit mille malheureux dollars chacun.
- On savait que ça ne serait pas lourd. Huit mille, c'est déjà pas si mal pour une matinée de boulot. »
Mais cela ne suffit pas à l'un des gars de la bande qui file avec le magot.
« [...] - Vous n'êtes pas du genre à vous venger, Parker. Pas s'il n'y a rien à la clé. Que lui voulez-vous à ce garçon ?
- Il nous trahis. Il a tiré une balle dans la tête de votre mari. Il a tué l'autre gars de l'équipe, et il a essayé de me tuer moi aussi ... Et puis il s'est enfui avec l'argent. »
Parker se met donc en chasse à la poursuite du traître ... et du magot.
« [...] Parker se disait que beaucoup de temps s'était écoulé et qu'il n'était arrivé à rien. Ils avaient braqué la banque le lundi, et ce n'est que le jeudi qu'il avait trouvé Brock. Et maintenant on était vendredi. Quatre jours passés à courir en tous sens, et [l'autre] était toujours là-dehors, quelque part, assis sur le fric. »
Le personnage de Parker (il n'a pas de prénom) est l'une des grandes réussites de D. Westlake et il se prête parfaitement aux adaptations en BD. C'est du polar à l'ancienne, façon hard-boiled.
Quand il s'agit de bâtir le scénario d'un polar pour une BD, Doug Headline n'en est pas à son coup d'essai, on l'a dit, et il a su trouver le ton juste pour dérouler ce récit en comblant les silences de Parker, personnage taciturne, par de brefs encarts de texte, une sorte de voix off.
Les graphismes de Kieran évoquent les comics US avec un beau noir & blanc, dur et violent, dynamique et moderne.
Ces dessins sont un bel hommage à ceux du canadien Darwyn Cooke (décédé en 2016) qui avait déjà adapté plusieurs polars de Westlake en BD dont notamment le casse en 2012 (traduit par Matz en 2013).
Cet album inaugure chez Dupuis, la collection Aire Noire dédiée au roman noir graphique (par analogie avec la collection Aire Libre) : Doug Headline et Olivier Jalabert sont aux commandes de cette ligne éditoriale. Les éditions Dupuis nous promettent déjà plusieurs beaux albums pour cette année et, de plus, ont signé avec les héritiers de Westlake pour adapter plusieurs de ses romans.