Le 10/12/2025 à 17:13:56
Mathieu Bablet nous livre pour cette fin d'année, un album monumental très attendu : une histoire où Jenny file un mauvais coton dans un monde post-apocalyptique d'où les abeilles ont totalement disparu. On avait été bluffé par Mathieu Bablet en 2020 et sa très belle histoire d'amour entre deux androïdes : Carbone & Silicium. Le revoici avec de nouveau un gros album monumental : Silent Jenny, un récit dystopique sur une planète d'où les abeilles ont disparu. L'univers de l'album : Une planète post-apocalyptique qui préfigure sans doute la nôtre. Eau raréfiée, nourriture artificielle, lacs d'acide, air vicié, météo en surchauffe, ... « le stress thermique mortel est à son maximum, aujourd'hui. Pensez à vous hydrater toutes les demi-heures. Quant aux mises en garde habituelles : évitez l'exposition directe au soleil. Et souvenez-vous : "demain sera un autre jour" ! » Jenny la taciturne travaille sur une monade : une sorte de navire terrestre ambulant où survit une petite communauté qui arpente la surface désertique de la planète. Pour la firme Pyrrhocorp elle va rechercher sous terre des traces ADN d'abeilles : elles ont disparu depuis longtemps. « Les abeilles, puis la pollinisation, la fin de la famine. Les gens penseront moins à survivre et Pyrrhocorp pourra rebâtir un système de santé qui tient la route. Des médicaments, des vaccins, des médecins ... c'était ça le monde d'avant, tu sais. Il ne faut jamais cesser d'y croire. » Pour cette recherche, Jenny se miniaturise en microïde et pénètre dans le sol, dans l'infra-monde. C'est une opération risquée pour l'organisme, surtout quand la « combinaison n'est plus très étanche ». le moindre bout de peau au contact de l'air se nécrose très vite à cause de la calcification. le sous-sol est d'ailleurs infesté de microïdes qui ne sont jamais remontés. La mission de Jenny est à haut risque « parce que les profondeurs appellent certaines personnes, et qu'à un moment, l'appel devient assourdissant ». Pour ces survivants, toute la difficulté est de parvenir à « s'enchanter du monde dans lequel on vit, tout en étant terrifié de la direction dans laquelle il va ». ➔ Mathieu Bablet se pose en digne successeur de Jean Giraud, aka Moebius : les mondes qu'il crée dans ses gros albums sont travaillés en profondeur, complexes et fouillés. Le terme de monade est emprunté à la philosophie (celle de Leibniz notamment) où une monade est l'unité ultime. Elles peuvent aussi évoquer une version mobile des conurbations de l'écrivain Robert Silverberg. Sur la planète de Jenny, les monades sont aussi nomades, sans cesse en déplacement car « la monade n'a pas d'autre mission que le mouvement ». Ces navires terrestres évoquent un peu les chars des sables de la planète Tatooine (celle de Star Wars) et certains personnages (les mange-cailloux, les pénitents, ...) peuvent même faire penser aux Jawas : l'univers de Mathieu Bablet est aussi dense que celui des grandes épopées stellaires et l'auteur nous délivre les informations tout au long de son récit où ce monde se dévoile peu à peu. ➔ Les enfants casqués sont aussi une belle trouvaille, à la fois graphique et scénaristique. « On n'a pas trouvé meilleure solution pour vous préserver des maladies et réduire la mortalité infantile. Une fois assez grands, vous risquerez moins de choper tout ce qui se balade dans l'air. » ➔ le graphisme est assez surprenant, sombre, onirique, touffu, organique souvent, avec des couleurs estompées sur papier mat : il faut un peu de temps pour s'habituer à cette richesse graphique et à cette avalanche de détails car c'est un monde assez obscur où nous invite Mathieu Bablet. Le dessin accompagne un scénario sombre, plutôt pessimiste, et j'avoue que le mal de vivre d'une Jenny mutique et dépressive plombe un peu la lecture. À réserver aux inconditionnels de cet auteur.Le 13/11/2025 à 07:05:45
Bablet signe ici un très bel album qui questionne, une fois encore dans une science fiction dystopique, notre rapport au monde. Après "Carbone et Silicium", Bablet nous embarque en virtuose dans un univers qui projette ses angoisses. On y retrouve tout ce qui fait la spécificité de Bablet : un scénario dense, un trait identifiable entre mille et des ambiances pesantes. En bref un bel album.Le 09/11/2025 à 12:41:44
L'univers et le style Bablet, ça passe ou ça ne passe pas. Pour cet album, j'ai été embarqué. Je le classerais en deuxème position derrière Shangri-La. A Lire.Le 06/11/2025 à 10:04:56
Très beau dessin, belle mise en scène et ... c'est tout ! Le scénario s'étouffe dans son univers visuel et perd rapidement le lecteur. Bref, beaucoup de décorum, mais un fond en carton-pâte.Le 30/10/2025 à 12:31:14
Oui, le dessin est grandiose et d'une belle originalité et oui, l'univers post-apocalyptique imaginé pour ce récit est réellement immersif. Le problème, c'est que je n'ai eu quasiment aucun plaisir à lire cette BD. Entre un scénario nébuleux et un manque total d'empathie pour les personnages, difficile pour moi d'apprécier. Grosse déception pour ma part.Le 27/10/2025 à 16:00:19
Je suis en accord total avec Jozef. Pour la première fois, je termine un album de Mathieu Bablet en étant un peu déçu. Le projet est certes titanesque, mais il me manque l'émotion que j'ai ressenti dans shangri la et dans Carbone et Silicium. Malgré ses thématiques , seule domine la descente aux limites de la folie de Jenny, et ça m'a m'a complètement plombé. Il me faudra certainement un bon moment avant de penser le relire.Le 25/10/2025 à 23:08:27
La crème de la crème de la BD FB - avec ses réussites éclatantes, mais aussi ses (petits) défauts. Certaines scènes sont tout simplement stupéfiantes, et certaines planches sont monstrueuses. C’est un travail de titan. Bablet y a mis plus de 3 ans de sa vie, c’est énorme. J’ai attendu 2 lectures avant de mettre un avis et une note. Ma première impression c’était 4/5. Puis j’ai relu et j’ai mis 5… certaines scènes sont très justes et touchantes, surtout celles dans la monade. Il y a des petits dialogues très percutants, plus encore quand on connaît la fin. Bref, un bon gros pavé rempli de sincérité et qui brasse mine de rien pas mal de thématiques. On peut ne pas être d’accord avec l’auteur, mais on ne peut lui enlever sa sincérité et son talent.Le 22/10/2025 à 09:45:05
J'attendais avec impatience ce nouvel album de Mathieu Bablet ! J'avoue être un peu déçu. La qualité esthétique est toujours au rendez-vous et le travail de l'artiste est faramineux. Malheureusement, je n'ai éprouvé aucune émotion à la lecture de ce récit alors que je trouvais le sujet passionnant. La fin d'un monde, l'extinction des pollinisateurs et donc de l'espèce (humaine ?). Cette civilisation qui tente de survivre en cherchant une lueur d'espoir. Mais ici, on est directement parachuté dans cette nouvelle société sans vraiment saisir le sens, les objectifs, les protagonistes. C'est assez monotone et l'histoire démarre vraiment après 200 pages de lecture sans réel attachement. La trame principale se perd au milieu des différentes communautés présentées et de la douleur de Jenny. Il y a plusieurs sujets traités sans profondeur. Trop de sujets en même temps. J'aurais préféré une narration plus conventionnelle sur cet univers d'anticipation où on aurait pu identifier clairement les strates de cette civilisation, les enjeux autour de la survie de l'espèce, avec plus d'émotion, de danger, de révélation. La fin est expéditive au point qu'on en reste un peu interloqué. On saisit le parallèle avec les problématiques environnementales actuelles mais c'est assez maladroit. Je n'ai pas retrouvé l'émerveillement que j'ai pu avoir à la lecture des précédents titres de cet auteur. Dommage...Le 20/10/2025 à 19:29:45
« Si l’Abeille venait à disparaître, l’espèce humaine n’aurait que quatre années à vivre ». Mathieu Bablet semble avoir pris comme point de départ la fameuse formule d’Albert Einstein, qui sonne comme une terrible menace à l’heure du changement climatique. Un thème qui colle parfaitement à l’univers de l’auteur et qui lui permet de signer un nouveau chef d’œuvre, après « Shangri La » et « Carbone et Silicium ». Un univers d’une cohérence totale et reconnaissable au premier coup d’œil, ce qui est l’apanage des plus grands. Ces trois albums majeurs aux allures de trilogie, loin de n’explorer que la science-fiction, sont construits avant tout sur l’humain. Du moins sur ce qu’il en restera quand la technologie, l’intelligence artificielle ou la dévastation écologique se seront emparées de nos corps, nos esprits et notre environnement. L’œuvre que Mathieu Bablet est en train de construire va bien au-delà des codes du genre et permet à chaque lecteur, amateur de SF ou non, d’approfondir ses réflexions sur le devenir de l’humanité. Dans « Silent Jenny », il est question d’explorer un inframonde microscopique à la recherche d’ADN d’abeille, pour tenter de repolliniser une Terre devenue stérile. Ce futur n’est plus qu’étendues désertifiées parcourues par des monades, d’énormes habitats mobiles montés sur chenilles, faits de bric et de broc, dans lesquels vivent des poignées de survivants. De ses immensités désolées émergent quelques cités et des tours Pyrrhocorp, la toute puissante compagnie qui régente la Planète et pourchasse impitoyablement les monades pour leur mode de vie autonome et indépendant. Quelques autres peuplades y survivent également et les liens qui les unissent tous, amis comme ennemis, sont la clé de leur fragile équilibre. L’histoire se déroule en partie sur « Le Cherche-Midi », une monade dont l’équipage, principalement féminin, arpente le désert sans jamais s’arrêter. A bord, Jenny, une microïde qui se réduit à l’échelle 10 puissance -2 pour le compte de Pyrrhocorp, risque sa vie au cours de missions toujours plus périlleuses, en affrontant ses peurs dans l’infiniment petit. Mathieu Bablet redouble d’inventivité pour mettre en place ses décors et dessiner ses personnages. Il prend le temps d’en développer la profondeur, de les faire exister. Sans manichéisme aucun. Et malgré la complexité de ce background, parsemé de références (de « Mad Max » au « Château ambulant »), le lecteur n’est jamais perdu, tant chaque élément s’imbrique de façon fluide. La palette ocre et les jeux de lumière qui illuminent les dessins créent des planches somptueuses, profondément immersives. Le trait de Bablet, tantôt rigoureux et géométrique, tantôt libre et organique, est porteur d’une poésie visuelle pénétrante. L’œil s’y égare facilement et s’émerveille sans cesse. Avec de nombreuses pauses contemplatives, le scenario, qui aurait pu sombrer dans une noirceur désespérée, devient au contraire de plus en plus lumineux, à mesure que Jenny, héroïne solitaire et meurtrie, s’abandonne sur les chemins de sa paix intérieure. Délivré par petites bribes, le message est magnifique, simple, universel : quoiqu’il se passe, l’Humain avec un grand H, à condition qu’il accepte sa vulnérabilité, pourra toujours gagner. Un album magistral et troublant.BDGest 2014 - Tous droits réservés