Y
van entre au collège ce matin. Ça fait longtemps qu’il a décroché son brevet et c’est en tant qu’Accompagnant d’Élève en Situation de Handicap (AESH) qu’il retourne à l’école. Sa tâche est d’aider des enfants placés au sein d’une Unité Localisée pour l'Inclusion Scolaire (ULIS). Ces groupes spécifiques rassemblent des élèves ne pouvant pas suivre le programme régulier à cause de leur état de santé. Spectre de l’autisme, trouble cognitif ou du comportement, maladie dégénérative, etc., les pathologies sont diverses et présentent des défis journaliers. Pour Yvan, outre une avalanche d’acronymes cryptiques, le challenge s’avère gigantesque. Homme fragile qui sort d’un burn-out et d’une dépression sévère, il n’a suivi aucune formation dans le domaine de l’éducation. Il va devoir tout apprendre sur le tas, faire des erreurs et affronter le regard des autres devant son surprenant choix de reconversion professionnelle.
L’humain, le social, les invisibles, les héros anonymes du quotidien, Fabien Toulmé les aime et les admire tous. Dans Ulis, il a imaginé une quasi-auto-fiction et raconte la réalité du suivi des enfants handicapés dans l’éducation nationale. La scolarité est obligatoire jusqu’à seize ans, mais comment faire quand la maladie se met en travers de la loi républicaine ? Sous-financées et souvent dénigrées par ceux qui ignorent tout de ces dispositifs, les ULIS représentent des bouées de sauvetage indispensables pour ces écoliers différents. Il s’agit également d’une aide cruciale pour les familles et proches-aidants.
Le temps d’une année scolaire, l’auteur de L’odyssée d’Hakim met en scène les journées, les bonnes, les mauvaises, d’un apprenti éducateur. D’abord débordé et passablement paniqué face à cette classe si hétérogène, il va devoir mettre ses problèmes personnels de côté et accepter les règles non-dites et les obligations de cet univers particulier. Finalement, le jeu en vaudra la chandelle. Les progrès, les siens et, surtout ceux des enfants sont réels et palpables. Narrativement, la mise en perspective du devenir d’un individu versus celui d’une communauté fonctionne pleinement. Yvan se nourrit de l’énergie de la classe et la classe profite des interventions, parfois maladroites, mais toujours bienveillantes de cet adulte en reconstruction. Le message est clair et passe en toute simplicité.
Un minimum de pathos, une atmosphère façon Un p'tit truc en plus ou Intouchables et beaucoup d’explications fruit d’un travail de vulgarisation réfléchi, Ulis est une BD du réel qui fait du bien et qui permet de souligner l’importance essentielle des services publics dans la société.
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Les avis
Yovo
Le 26/10/2025 à 11:07:09
Fabien Toulmé est un auteur discret qui trace un beau sillon dans le paysage BD avec ses chroniques sociales douces-amères. Un homme de terrain qui aime se confronter à la réalité pour mieux la retranscrire. Mais il le fait toujours de manière respectueuse, réfléchie et bienveillante. Un regard tendre et affuté qu’il doit sans doute à son histoire personnelle, puisqu’il fut plongé malgré lui dans le monde du handicap à la naissance de sa fille Julia, porteuse de trisomie 21, qu’il raconte avec force dans le poignant « Ce n’est pas toi que j’attendais ».
Avec ces mêmes qualités, ULIS raconte le quotidien d’une classe d’inclusion scolaire dans un collège bordelais. On y suit Yvan, un ingénieur en burn-out, qui s’essaye au métier d’AESH pour retrouver du sens à sa vie. Il devra accompagner au quotidien un jeune autiste, au sein d’une classe où tous les élèves sont atteints de handicap ou de retard d’apprentissage. Cette expérience va se révéler difficile mais ô combien réparatrice pour lui.
Outre ces jeunes très attachants, le lecteur découvre également le fonctionnement de ces dispositifs, dont les mécanismes lourds et sous-dotés, font peser davantage de poids sur les enseignants. L’occasion pour Fabien Toulmé de mettre en avant ces professeurs à travers Pauline, institutrice responsable de la classe ULIS. C’est un magnifique personnage, véritable clé de voute de l’album, qui m'est resté en mémoire longtemps après avoir refermé le livre. Elle est dépeinte sans idéalisme, avec une sincérité touchante. On ressent un vécu éprouvant, combatif et déterminé dans chaque situation qu’elle traverse.
Mais le trait n’est jamais forcé. Fabien Toulmé fait preuve d’une rigueur quasi documentaire. Il ne cherche pas à faire pleurer, ni à dénoncer quoi que soit. Il montre, c’est tout. Et il le fait avec une grande justesse.
Ce mélange parfaitement dosé de réalité et de fiction donne une BD passionnante, instructive, émouvante, parfois drôle, tout simplement humaine.
Pour bien connaitre le handicap intellectuel, je retrouve exactement dans ces pages la richesse et l’apport mutuel d’une relation avec des personnes « différentes ».
L’inclusion est un système bancal et imparfait, mais qui a le mérite d’exister pour que ces personnes trouvent la place qui leur ait due dans la société, qu'elles aient les mêmes droits et les mêmes chances que tout le monde. Fabien Toulmé sait en parler avec acuité et pertinence.
Ne soyez pas rebutés par le sujet, par le dessin très simple, ou par le fait que ce genre de BD s’adresse aussi, comme les Riad Sattouf, les Guy Delisle ou les Étienne Davodeau, à des gens qui ne lisent pas de BD habituellement. Moi qui suis un bédévore frénétique et passionné, j’ai vraiment aimé et la relirai à coup sûr. Aucune hésitation, à lire absolument !