Résumé: Alex a du talent. Jeune photographe marseillaise, elle est sur le point d’être exposée au prestigieux festival d’Arles. Seule contrainte : présenter un sujet inédit. Ce qu'elle fait en s’emparant du thème du désir. Mais de quel désir parle-t-on ? Alex n’est pas dupe : dans le monde des hommes, la sexualité est un jeu souvent pensé par eux et pour eux. Elle va bientôt constater que si les représentations érotisées des hommes sont rares, celles réalisées par des femmes sont quasi inexistantes. Alex ose inverser les rôles pour devenir le sujet désirant. Sur la roche éblouissante des Calanques ou dans l'intimité de son appartement, ses amants se prennent au jeu et deviennent ses premiers modèles. Mais comment parvenir à créer un nouvel imaginaire érotique quand on n'a rien connu d'autre que le regard masculin ? La quête artistique d'Alex prend rapidement des allures de parcours initiatique.
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eune photographe, Alex vient d’être sélectionnée pour participer au festival d’Arles qui exige des clichés inédites pour l’exposer. En discutant avec sa colocataire et amie, le thème de cette série s’impose à elle : le désir, le sien et donc celui du corps masculin. Son ambition est de produire un travail à la foi personnel et politique, en inversant l’habituel regard de l’homme sur la femme en devenant le sujet désirant.
Dans une BD dont le thème est l’image, le désir, la partie graphique est essentielle. Claire Fauvel réussit sa partition, les personnages féminins sont sympathiques et jolis mais peu sexualisés, à l’inverse des hommes, tous des gravures de mode, dont le rôle est principalement de servir de modèle. Les planches de nus sont belles et signifiantes, marquant une étape dans le parcours personnel et professionnel de la photographe. Son évolution au fil du récit est intéressante, Alex ayant un eczéma qui se manifeste en cas de stress ou de fatigue, son travail sur l’image photographique est mis en miroir intelligemment avec ses difficultés à accepter son corps qu’elle qualifie de monstrueux. Contrairement à d’autres BD plus intimistes, parfois autocentrées, un autre sujet est traité : que signifie être une artiste dans une société patriarcale ?
Le récit est entrecoupé de quelques double pages accompagnées d'une voix off pour faciliter la transmission du propos en plaçant le curseur entre vulgarisation du message à transmettre et ressenti issu de la vie de l’héroïne. Ces informations sur les rapports de la société vis-à-vis de la femme (place dans la famille, male gaze, pornographie etc.) sont intéressantes et apportent une mise en perspective d’un trajet individuel avec les enjeux sociologiques quand bien même elles cassent un peu le rythme et n’amènent en réalité pas grand-chose. Elles reprennent en effet des éléments présents dans le récit de manière plus subtile - et peut-être plus sensible - que ces parenthèses démonstratives et en décalage par rapport au reste.
Les Yeux d’Alex est une perspective rafraichissante et trop peu souvent explorée du désir au féminin. Une BD à mettre entre toutes les mains de plus de 18 ans.