Le 02/07/2025 à 13:16:45
Tony Daniel fait partie de la génération dorée des années 1990 qui apparaît à la création d’Image comics par Marc Silvestri, Jim Lee et Todd MacFarlane notamment, créant à l’époque The Tenth, série super-héroïque sexy qui fit les têtes de gondoles du moment. Ayant beaucoup évolué graphiquement depuis et après une carrière essentiellement chez le Big Two (il faut bien manger), il revient sur une création originale de retour chez Image et bien décidé à reprendre une liberté de ton sombre et sanglante. S’ouvrant sur les base d’un récit young adult où une bande de copains ère à la lisière du redouté Edenwood, ce premier recueil des cinq épisodes sortis aux Etats-Unis l’an dernier démarre sous de très bons auspices, notamment graphiques, avec une alliance très attirante entre des dessins et une colorisation tout en subtilité qui se rapproche par moment de la qualité d’un Olivier Coipel ou d’un Dike Ruan. Si je cite deux des récents collaborateurs de Mark Millar c’est d’une part parce que Daniel marque véritablement la rétine sur ce premier volume, tant par ses design de dark fantasy flamboyante que par le dessin pur, mais aussi parce que l’approche déconstruite navigue également dans l’influence du boss écossais. Pour le meilleur et pour le pire. L’esprit sale gosse transpire dans ce démarrage où l’auteur s’amuse à maltraiter ses personnages, à faire surgir une violence brute et sanglante (… et un peu vulgaire lorsqu’il part dans la tentacule, peut-être l’influence de son comparse de Nocterra, Scott Snyder?) et à immiscer de la méchanceté immorale chez un peu tout le monde. La qualité Millar repose également sur un lore très développé et que l’on n’aborde qu’à peine du fait d’une narration très spécifique (et un peu problématique, j’y reviens). L’investissement de l’auteur et sa croyance dans son univers sont manifestes et il y a une vraie générosité à nous inviter dans cet univers parallèle où l’on devine un affrontement séculaire entre deux forces antagonistes et une relation incertaine avec notre monde. Les personnages sont nombreux et donnent envie de les suivre lorsqu’ils forment une équipe de super-héros urbains affrontant des croquemitaines originaux à cheval entre le monte matériel et le monde des rêves. A ce stade on est pas loin du perfect lorsque arrive la question de la narration… Tony S. Daniel fait le choix assumé d’alterner chaque partie sur plusieurs époques. Cela crée un mystère et une complexité plutôt alléchantes. Mais du fait de la grande richesse citée plus haut, on se retrouve avec le sentiment d’avoir loupé les ties-in habituels dans les comics de super-héros mais ici inexistants. Le personnage principale nous est alors montré à différents ages alors même que l’on ne sait rien de lui, de ses pouvoirs, de son puissant mentor ni même des forces en présence. L’album nous envoie régulièrement des séquences et personnages toujours impactant mais qui sortent d’on ne sait où et dont on ne sait toujours que peu de choses en refermant cette introduction. L’idée était sans doute de concrétiser un espace-temps chaotique dans l’Edenwood, ce qui fonctionne mais avec des dommages collatéraux trop importants. Ce problème empêche en effet le lecteur de véritablement s’engager dans la lecture faute de points d’accroches autres que graphiques. A la fois frustrant et portant préjudice à la progressivité de la découverte du monde, ce choix narratif est une grosse faute de l’auteur impactant assez fortement un projet qui avait tout pour être une révision moderne et gore de l’excellent Arrowsmith. La bonne nouvelle c’est que ce premier volume se termine par une nouvelle situation claire et installée, qui devrait permettre de poursuivre dans une construction plus classique pour peu que l’auteur tienne compte des retours. Encore un manque de cadrage éditorial pour un auteur qui a toutes les clés en main pour faire de cet Edenwood une bien belle aventure. lire sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2025/06/25/edenwood-1/BDGest 2014 - Tous droits réservés