L'allée des frênes

T rampot, début du XXIe siècle. Ce petit village perdu au bout des Vosges, un peu endormi et oublié, ressemble à beaucoup d’autres. Climat et terroir obligent, ce sont des frênes plutôt que des platanes qui bordent la départementale. À force de les côtoyer, plus personne ne les remarque. Ils sont là, ils font partie du paysage, c’est tout. Pourtant, quand la décision de les abattre est prise (ils sont vieux, certains malades et potentiellement dangereux), l’annonce alarme une partie des habitants. Mahaut, en particulier, refuse cette fatalité. Maraîchère indépendante bien implantée dans sa communauté, cette dernière aime ces sentinelles et connaît leur importance pour l’écosystème dont elle tire son revenu. Derechef, elle monte un comité de défense. D’abord, pourquoi les détruire ? Ne pourrait-on pas les élaguer plutôt que de faire une coupe à blanc ? Peu à peu, la commune se mobilise, se souvient de l’origine de cette allée et organise une véritable défense quand les CRS débarquent pour encadrer les bûcherons. Courageuse, Mahaut va même finir par camper en hauteur, dans les branches, afin de protéger ces majestueux végétaux.

Basé sur des faits réels (cf. le dossier en fin d’ouvrage), L’allée des frênes est un récit écologique au premier sens du terme. Mot largement galvaudé, l’écologie est la science qui étudie les interactions des êtres vivants – y compris les êtres humains - entre eux et avec leur milieu. À ce côté plus scientifique, le scénario présente également tout un pan sociologique et historique. Ces arbres, en plus de leur rôle biologique, sont également des témoins et des marqueurs. Pourquoi, par qui et comment ont-il été plantés le long de cette route ? Les souvenirs d’une communauté y sont rattachés. Pourtant, au fil des années, ces mémoires et ces sens se sont effilochés, voire ont disparu. La modernité, l’éloignement et une perte des connexions intimes avec la nature sont à blâmer. Mahaut et ses amis doivent donc retrouver ces clefs et reconstruire ces liens afin de convaincre de l’urgence de sauver ce boisé. La tâche, énorme, est source de multiples conflits potentiels et d’incompréhensions.

Découpage varié, mise en scène inventive et de très belles couleurs façon coloriage aux crayons, Mathieu Flammarion retrace avec soin et énormément d’humanité ce minuscule combat pour une vie un peu plus «verte». Pas de manichéisme ou de militantisme absolu, seulement une fable d’aujourd’hui, traduisant des préoccupations devenues critiques par la crise climatique et environnementale en devenir.

Patrimoine, tradition, qualité de vie et écologie, tel est le «mix» de L’allée des frênes. Une lecture passionnante et en totale résonance avec l’époque.

Moyenne des chroniqueurs
7.0