L'ange Corse 1. Tome 1

L e 1er mai 1910, en Corse, dans le pieve du Niolo, Ange aide son grand-père adoptif à rentrer les moutons. La nuit venue, l’enfant entend un bruit ; des bandits rôdent. Aussitôt, les fusils parlent et des hommes tombent. Dix ans plus tard, le gamin a grandi et vit désormais en Indochine auprès des Maurizi. L’épouse, Anna, l’a pris sous son aile et rêve d’un bel avenir pour celui qu’elle considère comme son fils. Plus pragmatique, le mari, Philippe, décide qu’Ange escortera les affidés chargés de régler certaines de ses affaires. Au cours d’une descente à Cholon, un quartier chaud de Saïgon, le jeune homme découvre les dessous des activités de son protecteur : trafic d’opium et de jolies femmes, deux commerces où la concurrence se révèle vite dangereuse.

Après leur collaboration sur Le combat du siècle (Futuropolis, en 2019), Loulou Dedola, au scénario, Luca Ferrara, au dessin, et Gloria Marinelli, assistant ce dernier aux couleurs, se retrouvent pour une série annoncée en six tomes : L’Ange corse. L’ouverture de L’Exode se fait sous le soleil printanier de l’Île de beauté et noue un premier drame, avant qu’une ellipse n’emmène héros et lecteurs à des milliers de kilomètres vers l’Est. Le décor est alors planté dans la colonie française d’Indochine et le contexte général est brossé à travers un dialogue entre Philippe Maurizi et un de ses associés. Plus loin, une leçon de géographie éclaire sur le découpage administratif colonial dans ces contrées ; une manière efficace d’informer sans alourdir le propos.

Bien rythmé et allant en s’accélérant, le récit navigue entre la coquette villa où habite Ange, les soirées policées entre colons et les rues de Saïgon qui dévoilent progressivement toutes les strates de cette société. Le scénario s’attache à décrire les rapports étroits des nombreux Corses installés là dans l’espoir de faire fortune ou, du moins, d’améliorer leurs conditions de vie et l’implication de beaucoup dans le commerce illégal local, avec la complicité de fonctionnaires et d’autochtones. Évidemment, ces activités lucratives mais contestables forment un terrain idéal pour une aventure riche en rebondissements, dans laquelle le personnage principal se retrouve englué. Le jeune homme possède d’ailleurs un caractère assez fougueux saupoudré d’un zeste de naïveté et complété par une serviabilité à toute épreuve particulièrement marquée envers sa mère adoptive. Il est également dépourvu de la condescendance que la plupart des Européens montrent à l’égard des Asiatiques. Les autres figures se révèlent aussi bien campées et, pour certaines nuancées – comme Anna – ou encore assez mystérieuse – telle la belle Indochinoise que rencontre Ange. Seul bémol scénaristique : une transition un rien trop abrupte pour insérer un court flashback montrant le passage du héros entre Calvi et Marseille.

Pour assurer l’immersion dans cette fresque, Luca Ferrara livre une partition graphique plaisante et soignée. Son trait semi-réaliste se montre expressif et transmet bien les émotions qui traversent les différents acteurs. De plus, la composition des planches est dynamique, notamment grâce aux effets des cadrages dans les scènes d’action. En outre, le soin apporté aux décors est vraiment appréciable ; en effet, le design colonial du mobilier, les paysages, l’architecture de l’époque s’avèrent réussis et plongent efficacement dans l’ambiance. La mise en couleur à quatre mains enjolive agréablement le tout.

Ce premier tome de L'Ange corse ouvre avec force et fougue une saga romanesque où le banditisme et la vengeance côtoient l'ingénuité d'un grand cœur pris entre ombre et lumière.

Moyenne des chroniqueurs
7.0