Soli Deo Gloria
L
a vie n'a pas épargné Hans et Helma, des jumeaux nés dans la misère du Saint Empire romain germanique. Doués pour le chant et la musique, ils y découvrent un véritable élan et leurs talents grandissent au fil des événements qui impactent leur destinée. Leur communion, leur complicité et leurs émotions partagées face au bouleversements du monde vont les mener de Charybde en Scylla, entre guerre, famine et splendeur lyrique.
Pour des compositeurs croyants comme Bach ou Haendel, la réponse ne fait aucun doute : ils ne sont que les réceptacles et les transmetteurs imparfaits d’un message qui les dépasse. Ainsi ont-ils parfois signé leurs œuvres avec trois initiales, SDG pour Soli Deo Gloria, en latin : à Dieu Seul la Gloire. Dans son scenario, Jean-Christophe Deveney ne précise volontairement pas les repères temporels et géographiques pour façonner ici une sorte de fable où le lecteur suit le destin de deux frère et sœur vivant dans un petit village du Saint Empire. Leur quête initiatique à la recherche de la maîtrise absolue de l’art musical va les amener à croiser un vieillard qui leur offre un flûtiau, à vivre parmi les ors des cours italiennes où ils créeront pour les puissants, à profiter de l’apprentissage d’un ermite singulier, à intégrer la chorale d’un orphelinat, à demeurer dans le château d’un seigneur terrifiant et à approcher un compositeur de renom. Inspiré par le courant baroque, JC Deveney construit son histoire comme un conte aux accents gothiques. À chaque étape de leur éprouvant périple, les enfants mûrissent et affinent leur vision de l'harmonie, qui doit élever l’âme pour Helma et qui doit mener au pouvoir pour Hans. L'histoire peut sembler somme toute assez classique avec ces êtres touchés par la grâce qui vont s'élever dans la société grâce à leur aptitude. Leur lien semble inébranlable mais leur but va finir par entrainer des dissensions entre eux. Mais que cherchent-ils au travers de cette passion ? L’espoir d’une vie meilleure, le bonheur d’exprimer leurs sentiments profonds ou une manière de tutoyer le divin ?
Le récit est porté par un noir et blanc juste relevé de touches de couleur pour certains détails. Au trait encré sont ajoutés des lavis de gris et un travail de trame numérique. Le résultat est saisissant et impressionnant de beauté. Grâce à des lignes et des volutes teintées qui éclatent au milieu de cases aussi sombres que des gravures de Gustave Doré, Édouard Cour (Héraklès, Super Deltas, Les Souvivants, ReV) parvient aisément à faire imaginer des sons grâce aux dessins, ce qui représente tout de même un tour de force ; une puissance expressionniste indéniable.
Rares sont les ouvrages qui frappent juste en réussissant à parler correctement de la musique avec des images, Soli Deo Gloria se hisse sans conteste en haut de la liste grâce à un graphisme inventif, somptueux et une intrigue riche très bien narrée.
8.5



